Titre original : "L'odore dell'India"
A la fin de l’année 1960, juste avant le Nouvel An, Pier Paolo Pasolini se rend pour la première fois en Inde en compagnie d’Alberto Moravia et d’Elsa Morante. Les émotions, les sensations qu’il éprouve sont si intenses qu’elles le poussent à écrire une sorte de journal de voyage qui raconte la découverte d’un pays mythique mais encore inconnu. Attentif et curieux, il tourne dans la réalité chaotique et fascinante de la péninsule indienne, observant les gestes et les mouvements des gens, suivant les couleurs des paysages, très sensible à « l’odeur » de la vie, non pas métaphorique mais réelle, celle « des pauvres nourritures et des cadavres qui, en Inde, est comme un souffle continu, puissant, qui donne une sorte de fièvre ». Les temples de Bénarès, les nuits de Bombay, les rives du Gange, toute la magie d’une terre enchanteresse, impénétrable, mais aussi l’horreur de l’existence qu’on y conduit, nous sont rendus avec l’originalité extrêmement vivace et versatile d’un artiste qui nous livre ses impressions intimes. Ce qui frappe le plus l’auteur c’est la disponibilité absolue des gens, associée à l’influx d'une spiritualité qu’il qualifie de « pratique ».
L’Inde de Pasolini est monotone et itérative, mais « L’odeur de l’Inde » est une oeuvre d'un lyrisme sobre dont il ne faut absolument pas perdre une seule note, voyageant entre amour et impuissance au milieu d’un vocabulaire très riche, mais sans envolée ni emphase.
Tout cela dans les années 60...., à l'époque où l'Inde n'était indépendante que depuis treize ans et n'avait encore que (!) 400 millions d'habitants. Et pourtant, en lisant ce livre, je n'ai ressenti aucune impression de déphasage. Au contraire, j'ai éprouvé le sentiment d'entrer, avec douceur mais de façon décisive, dans l'intimité de l'Inde de toujours.